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Chimies affectives


Une peinture pourrait-elle saisir le volume d’air qui lui fait face, au plus près de sa matière ?

Les peintures d’Alexandre Clanis happent et enveloppent. Elles activent la confrontation de corps épars constitués de traces et de mouvements.
Le temps s’écoule sur les surfaces étirées. On y devine tour à tour une respiration : des vibrations résonnent, des rythmes s’accélèrent. Comme une partition s’effacerait au fur-et-à-mesure qu’elle s’écrit, les recherches du peintre suggèrent une réflexion sur l’impalpable, l’indicible.
Situé entre notre corps d’observateur et la masse picturale, l’insaisissable espace se densifie ; les images semblent
émerger d’un océan d’air :
« Je peins pour explorer ces silences, pour interroger un espace avant le langage. ».

La toile surgirait-elle du vide, déroulant un dialogue insonore en regard avec celui qui bientôt,
la dévisagera ?

Dans l’atelier, Alexandre Clanis dresse les peintures réalisées au sol. De l’horizontalité à la verticalité, corps et regards sont confrontés à la toile. L’artiste tend à « se tenir dans une forme de nudité face au monde ». Suivant une volonté assumée d’abandon, il s’avance dans les formes, les maillages, les blancs. Les peintures s’opèrent par soustractions de matière ou appels d’air et révèlent une « chimie affective » composée d’une succession de flous et de brumes. Traversant les surfaces et s’insérant entre les motifs, ces voiles créent une profondeur.

Comme on s’enfoncerait dans une forêt à la nuit tombée, Alexandre Clanis interroge l’inconscient :
la toile devient une onde, une peau vibrante d’énergie et de mémoire. La relation entretenue par l’artiste à l’espace et à son investigation rappelle sa formation d’architecte. Auparavant, il grandit entouré de tissus enroulés. Les prismes de matières observées pendant l’enfance transparaissent aujourd’hui dans certaines toiles, légères et fluides comme de grandes étoffes.

La peinture d’Alexandre Clanis revêt les caractéristiques d’un territoire à la mesure du corps.

Élise Girardot, 2020.






Je ne connais pas de silence en soi, qui soit un silence sans voix.