La diversité des supports n’est-elle pour vous qu’un champ des possibles associé à l’expérience du vivant ? C’est-à-dire la métamorphose des conditions de stratification, de création des minéraux, de transformation naturelle...
C’est vrai, j’ai commencé d’abord de façon intuitive à utiliser des matériaux pauvres pour me libérer de l’idée du poids du support et du but. Se dire que de toute façon on part d’une approche assez ludique. Quand on prend un matériau qui existe par luimême, qui a une vie ou une utilité et que l’on le détourne, il n’y a plus la question de la page blanche puisqu’on est déjà dans un dialogue qui prend en compte son identité, son fonctionnement et ses propriétés physiques ou chimiques. Donc j’allais chercher des papiers kraft plutôt utilisés pour l’emballage, afin de les interroger, dialoguer avec eux, essayer de créer des rapports d’affection, de tension en venant les détourner, en rentrant dans la physicalité du matériau : ne pas être juste en rapport avec la surface mais jouer avec la structure du matériau pour la questionner. Cela m’intéressait d’en sortir, d’être dans une forme « d’à côté » et de questionner cette hiérarchie de la toile préparée qui est un matériau des Beaux-Arts digne de recevoir une peinture. Un rapport qui s’établit notamment par rapport à nos consommables, aux matériaux industriels puisqu’il faut une énorme énergie pour les produire. D’un point de vue anthropologique, c’était une façon pour moi de considérer notre rapport au monde en utilisant des matériaux pauvres, en essayant de leur rendre une dimension presque magique ou animiste, interroger leurs interactions. Un matériau imperméable va empêcher la peinture de tenir et engendrer une réaction, va créer un inattendu, alors qu’un matériau abrasif va me permettre d’ouvrir d’autres possibles et surtout de sortir des états de pensée automatique pour engager un processus qui est d’abord dans une forme de déséquilibre et qui ensuite devient une marche et une recherche pas à pas. C’est un élément important, qui m’a permis de prendre conscience que tout est fabriqué ; la sédimentation naturelle ce sont des milliers voire des millions d’années de dépôts de vivant. Cette variété de matériaux me permet de questionner à travers la peinture ces processus de vie. Je travaille au sol, souvent avec de la peinture acrylique, celle-ci étant assez liquide, elle va avoir son propre rapport à l’espace, elle va se répartir d’une façon assez fluide, ce qui va finalement parler de sa constitution profonde dans le résultat ; dans l’empreinte qui reste on perçoit les caractéristiques physiques ou chimiques. Pour moi ce rapport à un champ des possibles à travers ces différents matériaux permet d’aller vers un en dehors, c’est un petit peu comme si on avait une route tracée et que soudain on bifurque pour emprunter un sentier qui va au milieu de la forêt et
qui nous plonge dans l’épaisseur des choses. Il y a cette phrase d’Heidegger qui m’a beaucoup marqué, l’idée d’emprunter des chemins qui ne mènent nulle part.
C’est vrai, j’ai commencé d’abord de façon intuitive à utiliser des matériaux pauvres pour me libérer de l’idée du poids du support et du but. Se dire que de toute façon on part d’une approche assez ludique. Quand on prend un matériau qui existe par luimême, qui a une vie ou une utilité et que l’on le détourne, il n’y a plus la question de la page blanche puisqu’on est déjà dans un dialogue qui prend en compte son identité, son fonctionnement et ses propriétés physiques ou chimiques. Donc j’allais chercher des papiers kraft plutôt utilisés pour l’emballage, afin de les interroger, dialoguer avec eux, essayer de créer des rapports d’affection, de tension en venant les détourner, en rentrant dans la physicalité du matériau : ne pas être juste en rapport avec la surface mais jouer avec la structure du matériau pour la questionner. Cela m’intéressait d’en sortir, d’être dans une forme « d’à côté » et de questionner cette hiérarchie de la toile préparée qui est un matériau des Beaux-Arts digne de recevoir une peinture. Un rapport qui s’établit notamment par rapport à nos consommables, aux matériaux industriels puisqu’il faut une énorme énergie pour les produire. D’un point de vue anthropologique, c’était une façon pour moi de considérer notre rapport au monde en utilisant des matériaux pauvres, en essayant de leur rendre une dimension presque magique ou animiste, interroger leurs interactions. Un matériau imperméable va empêcher la peinture de tenir et engendrer une réaction, va créer un inattendu, alors qu’un matériau abrasif va me permettre d’ouvrir d’autres possibles et surtout de sortir des états de pensée automatique pour engager un processus qui est d’abord dans une forme de déséquilibre et qui ensuite devient une marche et une recherche pas à pas. C’est un élément important, qui m’a permis de prendre conscience que tout est fabriqué ; la sédimentation naturelle ce sont des milliers voire des millions d’années de dépôts de vivant. Cette variété de matériaux me permet de questionner à travers la peinture ces processus de vie. Je travaille au sol, souvent avec de la peinture acrylique, celle-ci étant assez liquide, elle va avoir son propre rapport à l’espace, elle va se répartir d’une façon assez fluide, ce qui va finalement parler de sa constitution profonde dans le résultat ; dans l’empreinte qui reste on perçoit les caractéristiques physiques ou chimiques. Pour moi ce rapport à un champ des possibles à travers ces différents matériaux permet d’aller vers un en dehors, c’est un petit peu comme si on avait une route tracée et que soudain on bifurque pour emprunter un sentier qui va au milieu de la forêt et
qui nous plonge dans l’épaisseur des choses. Il y a cette phrase d’Heidegger qui m’a beaucoup marqué, l’idée d’emprunter des chemins qui ne mènent nulle part.
Marie Christine Bouyer et Patrick Alton : L’immersion dans les domaines du toucher semble très présente dans les états de vos recherches de la représentation plastique...
Pour moi les notions de corps et de contact sont très importantes dans la peinture, ce qui m’a amené à la peinture est le rapport à l’espace ; celui-ci se fait d’une façon assez nue, assez immédiate, puisque ce qui m’intéresse c’est de se soustraire à la pensée et aux idées établies qui vont venir hiérarchiser notre rapport au monde. Il y a vraiment cette idée d’entrer d’abord par le corps, par la sensation, en mouvements assez fluides. Avant la peinture, j’ai toujours aimé aller nager dans les vagues. La notion de fluidité, de contact, d’être porté par un élément liquide, est très présente dans ma peinture. C’est aussi pour cela que je travaille au sol car j’ai l’impression d’être dans un espace, dans la toile. Allongé, assis, c’est une façon de définir un espace-temps. Cette notion de toucher s’exprime par une manière d’être au présent dans l’acte de peindre, de m’immerger entièrement. Puis il y a ce rapport dans le toucher, à la fois au contact de la peau avec une recherche de l’intelligence de la peau plutôt que d’une intelligence de la pensée, mais aussi dans un rapport au regard puisque c’est aussi une forme de contact. Le toucher va se faire dans l’acte de peindre à l’horizontale. Ce n’est qu’une fois que j’ai fini un premier passage que je mets la toile à la verticale. Dans ce passage de l’horizontale à la verticale, la toile vient vers nous, vient vers l’espace ; à ce moment-là, pour moi, s’engage une deuxième phase du processus qui est un temps du regard où l’oeuvre doit exister par elle-même et ce contact du regard est une façon de fréquenter la toile, de voir quel est l’espace qu’elle contient. Il y a chez moi un caractère très intuitif dans le fait d’engager le corps, de se donner. Quand je vais travailler, je ressens souvent une forme de nudité, de me dire « je ne suis que ça ». En touchant, on ne peut pas vraiment mentir : l’acte de toucher est assez cru et assez sincère. Je pense aussi qu’il y a des choses qui passent par empathie en touchant une matière. L’empreinte, en la regardant, peut renvoyer le spectateur au-delà du visible, car même si la peinture est un art visuel, il se perçoit pour moi toujours une part d’invisible. C’est peut-être sur cette idée de contact que se joue un moment de l’ordre de la vibration et de l’émotion.
La diversité des supports n’est-elle pour vous qu’un champ des possibles associé à l’expérience du vivant ? C’est-à-dire la métamorphose des conditions de stratification, de création des minéraux, de transformation naturelle...
C’est vrai, j’ai commencé d’abord de façon intuitive à utiliser des matériaux pauvres pour me libérer de l’idée du poids du support et du but. Se dire que de toute façon on part d’une approche assez ludique. Quand on prend un matériau qui existe par luimême, qui a une vie ou une utilité et que l’on le détourne, il n’y a plus la question de la page blanche puisqu’on est déjà dans un dialogue qui prend en compte son identité, son fonctionnement et ses propriétés physiques ou chimiques. Donc j’allais chercher des papiers kraft plutôt utilisés pour l’emballage, afin de les interroger, dialoguer avec eux, essayer de créer des rapports d’affection, de tension en venant les détourner, en rentrant dans la physicalité du matériau : ne pas être juste en rapport avec la surface mais jouer avec la structure du matériau pour la questionner. Cela m’intéressait d’en sortir, d’être dans une forme « d’à côté » et de questionner cette hiérarchie de la toile préparée qui est un matériau des Beaux-Arts digne de recevoir une peinture. Un rapport qui s’établit notamment par rapport à nos consommables, aux matériaux industriels puisqu’il faut une énorme énergie pour les produire. D’un point de vue anthropologique, c’était une façon pour moi de considérer notre rapport au monde en utilisant des matériaux pauvres, en essayant de leur rendre une dimension presque magique ou animiste, interroger leurs interactions. Un matériau imperméable va empêcher la peinture de tenir et engendrer une réaction, va créer un inattendu, alors qu’un matériau abrasif va me permettre d’ouvrir d’autres possibles et surtout de sortir des états de pensée automatique pour engager un processus qui est d’abord dans une forme de déséquilibre et qui ensuite devient une marche et une recherche pas à pas. C’est un élément important, qui m’a permis de prendre conscience que tout est fabriqué ; la sédimentation naturelle ce sont des milliers voire des millions d’années de dépôts de vivant. Cette variété de matériaux me permet de questionner à travers la peinture ces processus de vie. Je travaille au sol, souvent avec de la peinture acrylique, celle-ci étant assez liquide, elle va avoir son propre rapport à l’espace, elle va se répartir d’une façon assez fluide, ce qui va finalement parler de sa constitution profonde dans le résultat ; dans l’empreinte qui reste on perçoit les caractéristiques physiques ou chimiques. Pour moi ce rapport à un champ des possibles à travers ces différents matériaux permet d’aller vers un en dehors, c’est un petit peu comme si on avait une route tracée et que soudain on bifurque pour emprunter un sentier qui va au milieu de la forêt et
qui nous plonge dans l’épaisseur des choses. Il y a cette phrase d’Heidegger qui m’a beaucoup marqué, l’idée d’emprunter des chemins qui ne mènent nulle part.
Pour moi les notions de corps et de contact sont très importantes dans la peinture, ce qui m’a amené à la peinture est le rapport à l’espace ; celui-ci se fait d’une façon assez nue, assez immédiate, puisque ce qui m’intéresse c’est de se soustraire à la pensée et aux idées établies qui vont venir hiérarchiser notre rapport au monde. Il y a vraiment cette idée d’entrer d’abord par le corps, par la sensation, en mouvements assez fluides. Avant la peinture, j’ai toujours aimé aller nager dans les vagues. La notion de fluidité, de contact, d’être porté par un élément liquide, est très présente dans ma peinture. C’est aussi pour cela que je travaille au sol car j’ai l’impression d’être dans un espace, dans la toile. Allongé, assis, c’est une façon de définir un espace-temps. Cette notion de toucher s’exprime par une manière d’être au présent dans l’acte de peindre, de m’immerger entièrement. Puis il y a ce rapport dans le toucher, à la fois au contact de la peau avec une recherche de l’intelligence de la peau plutôt que d’une intelligence de la pensée, mais aussi dans un rapport au regard puisque c’est aussi une forme de contact. Le toucher va se faire dans l’acte de peindre à l’horizontale. Ce n’est qu’une fois que j’ai fini un premier passage que je mets la toile à la verticale. Dans ce passage de l’horizontale à la verticale, la toile vient vers nous, vient vers l’espace ; à ce moment-là, pour moi, s’engage une deuxième phase du processus qui est un temps du regard où l’oeuvre doit exister par elle-même et ce contact du regard est une façon de fréquenter la toile, de voir quel est l’espace qu’elle contient. Il y a chez moi un caractère très intuitif dans le fait d’engager le corps, de se donner. Quand je vais travailler, je ressens souvent une forme de nudité, de me dire « je ne suis que ça ». En touchant, on ne peut pas vraiment mentir : l’acte de toucher est assez cru et assez sincère. Je pense aussi qu’il y a des choses qui passent par empathie en touchant une matière. L’empreinte, en la regardant, peut renvoyer le spectateur au-delà du visible, car même si la peinture est un art visuel, il se perçoit pour moi toujours une part d’invisible. C’est peut-être sur cette idée de contact que se joue un moment de l’ordre de la vibration et de l’émotion.
La diversité des supports n’est-elle pour vous qu’un champ des possibles associé à l’expérience du vivant ? C’est-à-dire la métamorphose des conditions de stratification, de création des minéraux, de transformation naturelle...
C’est vrai, j’ai commencé d’abord de façon intuitive à utiliser des matériaux pauvres pour me libérer de l’idée du poids du support et du but. Se dire que de toute façon on part d’une approche assez ludique. Quand on prend un matériau qui existe par luimême, qui a une vie ou une utilité et que l’on le détourne, il n’y a plus la question de la page blanche puisqu’on est déjà dans un dialogue qui prend en compte son identité, son fonctionnement et ses propriétés physiques ou chimiques. Donc j’allais chercher des papiers kraft plutôt utilisés pour l’emballage, afin de les interroger, dialoguer avec eux, essayer de créer des rapports d’affection, de tension en venant les détourner, en rentrant dans la physicalité du matériau : ne pas être juste en rapport avec la surface mais jouer avec la structure du matériau pour la questionner. Cela m’intéressait d’en sortir, d’être dans une forme « d’à côté » et de questionner cette hiérarchie de la toile préparée qui est un matériau des Beaux-Arts digne de recevoir une peinture. Un rapport qui s’établit notamment par rapport à nos consommables, aux matériaux industriels puisqu’il faut une énorme énergie pour les produire. D’un point de vue anthropologique, c’était une façon pour moi de considérer notre rapport au monde en utilisant des matériaux pauvres, en essayant de leur rendre une dimension presque magique ou animiste, interroger leurs interactions. Un matériau imperméable va empêcher la peinture de tenir et engendrer une réaction, va créer un inattendu, alors qu’un matériau abrasif va me permettre d’ouvrir d’autres possibles et surtout de sortir des états de pensée automatique pour engager un processus qui est d’abord dans une forme de déséquilibre et qui ensuite devient une marche et une recherche pas à pas. C’est un élément important, qui m’a permis de prendre conscience que tout est fabriqué ; la sédimentation naturelle ce sont des milliers voire des millions d’années de dépôts de vivant. Cette variété de matériaux me permet de questionner à travers la peinture ces processus de vie. Je travaille au sol, souvent avec de la peinture acrylique, celle-ci étant assez liquide, elle va avoir son propre rapport à l’espace, elle va se répartir d’une façon assez fluide, ce qui va finalement parler de sa constitution profonde dans le résultat ; dans l’empreinte qui reste on perçoit les caractéristiques physiques ou chimiques. Pour moi ce rapport à un champ des possibles à travers ces différents matériaux permet d’aller vers un en dehors, c’est un petit peu comme si on avait une route tracée et que soudain on bifurque pour emprunter un sentier qui va au milieu de la forêt et
qui nous plonge dans l’épaisseur des choses. Il y a cette phrase d’Heidegger qui m’a beaucoup marqué, l’idée d’emprunter des chemins qui ne mènent nulle part.